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LE MERLE MOQUEUR
LE MERLE MOQUEUR
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18 août 2007

CRÉPUSCULE D'ÉTÉ

« L'été maussade aborde sa dernière phase. Entre vents mauvais, tornades de pluie et températures "en-dessous des normales saisonnières".

Ça ne va guère mieux du côté de l'esquif humain.

Même les nantis prennent l'eau. Leur temple boursier se fissure. En quelques jours, pendant que sombre dans l'indifférence quasi générale un autre bateau de réfugiés affamés venus quémander quelques cents, les banques centrales injectent des milliards de devises pour tenter de sauver la mise à une poignée de repus affolés. L'obscénité est à son comble.

Ailleurs, des escouades d'oiseaux noirs continuent de pourchasser quelques pauvres hères sans papier. Les maîtres du monde s'enlisent partout où ils sont intervenus au nom de leur Bien, semant douleur et consternation. Notre nouveau président, obnubilé par son miroir, brasse l'air envers et contre tout. La foule est muette.

Notre société humaine touche le fond. Et plutôt que d'amorcer une remontée, on creuse[1].

*****

Je ne ressens ni écœurement, ni colère. Juste ce qu'on pourrait appeler un effet persistant de sidération. Et un brin de compassion détachée. Pour le reste, je me plonge dans mon bouquin estival à moi, la correspondance entre Albert Camus et René Char[2].

"On parle de la douleur de vivre (écrivait le premier au second). Mais ce n'est pas vrai, c'est la douleur de ne pas vivre qu'il faut dire. Et comment vivre dans ce monde d'ombres ?"

Vivre, c'est bien là la question. Passer son temps en contemplateur critique et ironique des naufrages humains est une bien pâle occupation. Attendre des jours meilleurs avec une patience de femme de marin conduit tout droit aux deuils des illusions. Il n'y aura bien sûr JAMAIS de "grand soir", même si nous continuerons à faire comme si parce que le cours des choses serait trop décourageant.

"Cette lutte qui n'en finit plus (continuait Camus, toujours à l'adresse de son ami Char), cet équilibre harassant (et à quel point j'en sens parfois l'épuisement !) nous unissent, quelques-uns aujourd'hui. La pire chose après tout serait de mourir seul, et plein de mépris. Et tout ce que vous êtes, ou faites, se trouve au-delà du mépris."

*****

Sur la table de la cuisine, les mains pétrissent patiemment la pâte, en font une petite boule ronde, l'étalent. Les mains découpent les mirabelles en deux, en extraient le noyau. Le jus des fruits coule et se mêle aux traces de farine sur les doigts. La tarte sera servie dans le salon. Le salon aux murs gris clair, peints par les mains, comme toutes les pièces de la maison. Gris et bleu pour les pièces orientées vers la mer, jaunes et rouges côté bois et jardin où les mains, toujours elles, ont disposé avec un soin jaloux fleurs, plantes et massifs. Des mains qui ont dessiné le décor au point de s'y fondre.

Pourquoi négligeons-nous tant ce décor, ces mains indispensables, ce cadre incontournable de notre "voyage à domicile". Le seul en réalité qui en vaille la peine. Les ailleurs que nous poursuivons obstinément n'existent pas. Qu'on soit ici ou ailleurs, nous sommes toujours là où nous sommes. Le seul but du voyage est de transfigurer l'ordinaire. Et celui de tous ceux qui tentent d'échapper comme nous, avec nous, à l'agitation imbécile.

Vaste tâche, "au-delà du mépris".

*****

Le crépuscule tombe sur l'estuaire. Un cargo s'engage entre mer et nuages menaçants. J'aime ce mot, crépuscule, qui désigne à la fois la tombée de la nuit et le lever du jour. Dans ma tête flotte le refrain de la chanson de l'été[3] :

Un baiser une bombe
De ta bouche explose
Sur ma bouche en plein jour

C'est drôle, non, de passer du récit d'un naufrage à de furieuses envies de baisers qui explosent en bombes sur nos bouches ? »

Notes

[1] "Partout, quand on touche le fond, on finit par remonter. En Algérie, quand on touche le fond, on creuse !" (Fellag, humoriste algérien).

[2] Correspondance 1946-1959 (éd. Gallimard).

[3] Un baiser une bombe, David Lafore Cinq Têtes (album "II", Opéra/l'Autre distribution).

Note supplémentaire du Merle Moqueur: la photo qui figure en illustration n'est pas celle qui figure sur le site du Yéti. C'est une photo que j'ai retenue, et que j'ai réussi à intégrer après moult tentatives infructueuses, après avoir consulté des centaines de photos et des dizaines de sites passionnants sur la mer, la météo et les bateaux.

NOSE DE CHAMPAGNE.

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Commentaires
N
Oui, ton prénom me fait penser à cette chanson de Léo Ferré "Monsieur William..."<br /> Ainsi donc tu nous vois nous comme des complices de ce régime inique ?!<br /> Tu penses vraiment pouvoir confondre ceux qui luttent contre la misère avec ceux qui luttent contre les miséreux ?<br /> Mon cher ami, je te donne rendez-vous dans la rue, dans les semaines qui viennent... On verra bien; on fera le jugement du feu. Car dans cette affaire, les mots ne feront pas la différence: c'est sur le terrain que nous reconnaîtrons les amis et les ennemis.<br /> Quant à penser que les travailleurs sociaux peuvent à eux seuls renverser les logiques à l'oeuvre dans notre république bananière sans banane, même s'ils le veulent (et çà leur arrive de dire qu'ils refusent d'être des auxilliaires de la police dans toutes les lois que fait notre ministre de la police-président) ils ne le peuvent.<br /> Il faudra bien que tous ensemble on remettre le monde sur ses pieds quand aujourd'hui il marche sur sa tête !<br /> <br /> Ciao et fraternité,<br /> <br /> NOSE DE CHAMPAGNE.
A
ce genre de jugement à l'emporte pièce n'est jamais positif ....<br /> on ne peut se permettre de porter un tel jugement sans connaître les intéressés.... aborder un thème , un sujet n'engage nullement ce que chacun pense par ailleurs...<br /> ton commentaire est injuste William !<br /> j'ose penser que c'est ta rancoeur qui te pousse à écrire un tel "message" ....
LE MERLE MOQUEUR
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